CHAPITRE XI
La descente avait été périlleuse. Les falaises étaient partout à pic autour de l'île, laquelle formait en fait un gigantesque roc dans la mer de Weddell.
Roc sur lequel abondaient les eaux telluriques chaudes, mis à profit par les extraterrestres, d'autant plus à l'aise que les Terriens le dédaignaient et que la banquise formait alentour un rempart naturel.
Rempart ne possédant qu'une brèche. Justement en face, ou presque, de la zone où avaient abouti Olivier, Jo et Zywaa, pratiquée par le cheminement des eaux de la cascade, lesquelles, gardant leur température pendant un bon moment après la chute, contrecarraient la puissance du gel.
L'apparition inattendue de ce vaisseau encastré un peu plus loin dans l'étreinte des glaces avait spontanément modifié le point de vue de Jo et d'Olivier.
Jusque-là, ils avaient fini par admettre que la seule solution possible était de retourner vers la base des Yaaw. Bien convaincus d'ailleurs qu'ils n'y risquaient pas grand-chose en raison de la présence de Zywaa avec eux.
Découvrant subitement un navire, fût-il bloqué par la banquise, c'était brusquement tout autre chose et un espoir fou naissait en eux.
Un navire ! Des navigateurs ! Humains ! Terriens comme eux ! Il fallait immédiatement prendre contact, cela représentant tout à coup une possibilité parfaitement inattendue de s'évader de ce domaine fantastique.
Aussi, ils s'étaient mis sans retard en mesure de rejoindre le bâtiment et son éventuel équipage.
Zywaa, très certainement, avait compris sans difficulté ce qui pouvait se passer dans l'esprit de ses deux compagnons. Mais elle était trop fine, sans doute, pour élever la moindre objection. Et dès qu'il fut décidé de gagner la banquise, elle emboîta le pas aux deux garçons.
Ce n'était pas une mince affaire. Il n'existait aucun cheminement au long de ces parois rocheuses, abruptes, plongeant directement dans la mer. Les aspérités, il est vrai, abondaient. Ainsi que les anfractuosités dans lesquelles nichaient d'innombrables oiseaux de mer. Ce qui amenait soudain une bouffée poétique chez les deux Terriens, lesquels depuis qu'ils étaient sur l'île avaient été privés de contacts avec la vie animale. Rien d'autre que les monstrueux Kmotts, que les hallucinants Fvtaaz.
Ici, la nature terrestre reprenait ses droits. Ils avaient vu tout de suite que le meilleur moyen d'atteindre le niveau de la mer était d'utiliser le passage naturel que la cascade brûlante façonnait au cours des siècles. C'était donc là qu'on s'était engagé.
La chaleur demeurait celle d'une fournaise, l'eau tombant en quasi-ébullition. Mais les caprices de l'onde mordant la roche y avaient pratiqué de nombreux creux et rentrants, pratiques pour poser le pied ou agripper la main. Se soutenant mutuellement, tous trois s'engagèrent sans tarder dans cet escalier anarchique, étouffant quelque peu dans les tourbillons de vapeurs qui accompagnaient la chute de la cascade.
Ce fut long et périlleux. Dix fois, ils faillirent lâcher prise, ou perdre pied en sentant un caillou céder sole leur poids. Dix fois les deux autres rattrapaient celui qui allait choir. Ils y voyaient mal dans cette masse de brouillard qui les aveuglait autant qu'elle leur coupait la respiration. Mais ils entendaient, au-dessous d'eux, le bruit du ressac contre le littoral pierreux, contrastant avec le fracas de l'écroulement des eaux tombant de la falaise.
Ils y parvinrent finalement et au bas de la paroi rocheuse, s'éloignèrent de la zone où la cascade réchauffait l'étendue marine. Ils parcoururent ainsi plusieurs centaines de mètres pour trouver le point où les glaces s'étendaient jusqu'à gagner la falaise.
S'élancer sur la surface gelée, courir tant bien que mal en direction du navire qu'on apercevait au loin, ce fut aussitôt ce que fit Jo. Il glissait souvent, tombait, se relevait en jurant comme un païen.
Olivier suivait, soutenant Zywaa. Mais, au fur et à mesure qu'ils progressaient parmi les blocs de glace, évitant les failles, contournant de véritables icebergs, leur vision se modifiait quant au bateau qu'ils venaient de découvrir.
De petite taille, goélette ou même sloop, ce n'était évidemment pas un bâtiment récemment construit.
Rien à voir avec les catamarans et trimarans des grandes courses océaniques.
Leur première impression avait été fulgurante. Un navire ! L'espoir !
L'imagination aussitôt galopait et sans prendre le temps de se perdre dans des détails Olivier, tout autant que Jo, avait vu s'ouvrir de nouvelles perspectives. Zywaa, de son côté, devait mesurer ce que cette découverte avait d'importance et dans quelle mesure elle allait modifier la situation.
Seulement, au fur et à mesure qu'ils couraient sur la banquise, avec les inévitables difficultés de pareille avance, les deux garçons commençaient à déchanter quelque peu.
Qu'avaient-ils vu au départ ? Un bâtiment gréé, serré dans l'étau des glaces, mais qui de toute évidence pourrait s'en évader à un certain moment.
Maintenant, se rapprochant rapidement, ils pouvaient commencer à se demander s'il ne s'agissait pas tout bonnement d'une épave. Certes, le froid avait tissé une sorte de carapace blanche et translucide autant autour de la carène que le long des mâts. Les cordages, eux aussi, étaient enchâssés dans de délicats tubes de glace et des fragments blancs et luisants s'attachaient aux voiles, fragments nés des embruns qui avaient gelé.
De plus, rien ne bougeait à bord. Aucun signe de vie. Olivier sentait son coeur se serrer. Un vaisseau perdu, et rien de plus. Du moins était-ce ce qu'il redoutait déjà.
Il était probable que Jo en pensait autant et que Zywaa, qui était en leur compagnie, pouvait estimer elle aussi à sa juste valeur ce que représentait le malheureux bateau.
Ils l'atteignirent cependant et, tant bien que mal, grimpèrent à bord.
La glace recouvrait tout. Il était évident, du premier coup d'œil, qu'on se trouvait devant un petit navire d'un style déjà ancien. On ne voyait aucune trace d'installation radio ni rien de moderne. C'était quelque chose comme un reflet du passé et, sans se le communiquer, les deux hommes pouvaient supposer que ce pauvre bâtiment était là, amené par les caprices de l'océan, depuis un temps inappréciable.
Ils allaient sur le pont. Jo eut un geste évasif : —Un vieux rafiot... Tu ne crois pas?
Olivier hocha affirmativement la tête. L'expression lui paraissait des plus justes et résumait ses propres observations. Un de ces petits voiliers comme il en existait tant dans les mers du Sud, depuis des siècles. Mais remontant certainement au début du siècle quant à sa mise à flot. Quand était-il venu se perdre là, c'était un mystère. Les deux garçons se concertèrent rapidement. Ils furent vite d'accord.
Désemparés par quelque tempête, ceux qui le montaient avaient dû chercher un refuge dans cette sorte de golfe miniature, lequel devait apparaître depuis le large par l'échancrure de la banquise, cette brèche pratiquée dans les monts de glace par le courant d'eau chaude né de la cascade, elle-même tombant des hauteurs de l'île.
—Mais comment se sont-ils laissé piéger par les glaces?
À cette question d'Olivier, Jo répondit, haussant les épaules : —Regarde !... Si avec ça tu ne comprends pas !
Zywaa regarda aussi et se détourna avec horreur.
Olivier pâlit. Près du gouvernail, à la poupe, il y avait la preuve qu'un homme, un matelot, peut-être dans un suprême effort pour sauver le navire, avait péri, à bout de forces.
Il s'était écroulé sur la roue de bois à parements de cuivre qui le soutenait encore de façon partielle. Un squelette ! Rien qu'un squelette !
Ils comprenaient. Le malheureux était mort là, à son poste sans doute. Et c'étaient les voraces oiseaux de mer qui avaient dû déchiqueter les chairs. Maintenant, les pauvres ossements, enrobés de glace comme le reste, attestaient ce qui avait été très probablement une tragédie.
On dirait, murmura Jo, qu'on est sur un vaisseau fantôme !
aéronaute se reprit sans plus tarder. Olivier voyait ses yeux étinceler entre les éléments du pansement qui masquait son visage torturé : —Pas une raison pour désespérer! Je vais voir ce qu'il y a en bas !
Il donna un coup de pied dans une hiloire pour se frayer un passage et dégringola par une écoutille. On l'entendit vociférer sa rage parce qu'il glissait sur les degrés de l'escalier, où la glace s'était accumulée.
Olivier allait le suivre. Zywaa le retint : Que veux-tu faire?
—Mais... comme Jo, reconnaître ce qu'il y a à bord... ce qu'on peut encore tirer de ce... de ce pauvre bateau !
—De cette épave ! Es-tu fou? Jo, ton ami Jo, veut tenter une aventure démente... Prendre la mer avec ça?... H faudrait d'abord échapper à l'étreinte de la banquise... Et ensuite ?... C'est aussi stupide que votre idée de partir avec la montgolfière... Il est arrivé ce qu'il devait arriver... Je l'avais bien prévu, sans cela je n'aurais pas pris la place de... Enfin, tu sais ce que je veux dire !
—D'abord, sans la perfidie d'Aka-Môr, nous aurions peut-être réussi ! Et puis ensuite...
—Olivier ! Olivier ! Écoute-moi ! Tu veux me laisser?...
—Je t'emmène, Zywaa... je ne peux plus me passer de toi !
—Alors c'est tout simple ! Rentrons à la base ! Tu seras avec moi ! Il y a un moment où ma mission de commandement se terminera et où je devrai rejoindre Alwakii, cédant la place à un autre... Suis-moi !
Nous trouverons le bonheur là-bas... chez moi...
Elle levait vers lui ses étranges yeux de turquoise translucide. Crispé, il détourna la tête : —Et... et les autres?
—Quoi ? Jo ? Ton amie Ghislaine? Les Terriens que nous avons enlevés? Ont-ils jamais été maltraités? On ne leur offre que des compagnes ou des compagnons pour la création d'une race neuve, interplanétaire...
Il allait riposter quand Jo cria quelque chose qu'ils ne comprirent pas. Il apparut un instant après, remontant de l'entrepont. Il tenait une sorte de caisse métallique, abondamment rouillée.
—Alors? Qu'est-ce que tu as trouvé ?
Ça! lança triomphalement le colosse.
Il exhibait sa trouvaille, sur laquelle, en dépit des atteintes du temps et de l'humidité, on lisait encore, à demi effacé, le mot DYNAMIT.
Zywaa ne semblait pas comprendre. Olivier haussa les épaules : —Alors? Quoi ? Tu veux faire sauter le bateau ?
—Tu es idiot ou quoi ? Ça ne va pas, la tête?
—Bon sang ! s'écria Olivier, saisissant tout à coup la pensée de Jo, tu as la prétention de...
—Tu as pigé ! Pas malheureux ! Oui, mon ami, c'est comme tu viens d'avoir l'honneur de le dire ! On se servira de ça, si toutefois, comme je le crois, les bâtons sont intacts, pour briser la glace. Et alors...
Il eut un geste précis, tout à coup tendu vers le large, humant déjà les effluves marins. Mais Olivier protestait : —Partir avec cette vieille coque de noix ! Pourrie !
Qui doit faire eau de toutes parts ! Tu ne te rends pas compte ! Le malheureux bateau doit être là depuis plus d'un demi-siècle... Il n'y a qu'à voir dans quel état est le pauvre timonier...
—Tu n'as pas vu ceux d'en bas... Ils sont quelques-uns.., dans le même état, si tu veux t'en rendre compte !
—Merci ! Je n'ai pas l'intention de naviguer sur le vaisseau fantôme — je te rappelle que l'expression est de toi — et je préfère...
—Rester ici ! Ah! gronda soudain l'aéronaute, elle t'a bien envoûté celle-là...
Ses yeux, sortant du masque blanc du pansement, foudroyaient Zywaa.
—Sois raisonnable, allons ! s'écria Olivier. En admettant que tu réussisses à faire éclater l'étau de la banquise (c'est certainement possible avec la dynamite) tu auras sous les pieds une carène qui a subi l'affront du temps. Et celui de l'écrasement lent, mais sûr, de la glace qui l'étreint.. Sans compter que, naviguer avec ça, à nous deux...
—Je ne suis pas seulement un homme volant, Olivier, j'ai mon brevet de voilier... Je suis allé en stage aux Glénans ! Tu n'auras qu'à me suivre, je me charge du reste !
—Et la voilure ? Tu as vu dans quel état est le gréement...
Jo jeta violemment sur le pont vétuste la boite de dynamite : —Ça suffit ! Tu restes avec ta mousmé... Seulement tu me condamnes à rester aussi... Chez ces ordures de Yaaw de cette merde de Procyon ! Eh bien je te...
Il se détourna, arpenta pendant un moment, furieusement, le pont du petit navire.
Zywaa était demeurée muette. Elle prit un temps avant de dire simplement à Olivier : Fais ce que tu veux ! Je ne t'interdis pas te tenter l'aventure avec lui si c'est ton désir... Sache seulement que je suis toujours prête à te suivre...
Il la regarda, frappé. Elle ajouta : -... ne te l'ai-je pas déjà prouvé, totalement?
Jo, entendant cela, s'était arrêté. Olivier, bouleversé, attirait la jeune femme contre lui : Pour moi... Tu abandonnes les tiens... ta mission... ta planète...
Elle se contenta de se hisser sur la pointe des pieds et de le baiser sur les lèvres.
Mais il hésitait encore. Jo lui cria : —Tu penses à Ghislaine ?... Mais nous reviendrons... Nous la sauverons. Elle et les autres !... Et puis... L'avion.., l'avion qui est passé... L'île ne sera pas toujours abandonnée... Je suis même sûr que cela ne tardera plus...
Olivier se décida brusquement : — Eh bien, soit ! C'est dingue ! Mais on risque !
Cela ne se fit naturellement pas avec simplicité. Il leur fallut faire l'inventaire de ce que ce pauvre bâtiment pouvait encore offrir. Ils ne trouvèrent plus, cela va sans dire, la moindre provision. Et ils évitèrent les compartiments où subsistaient encore les restes des malheureux matelots. L'intérieur du navire était sinistre. Toutefois, Jo, incroyablement adroit et débrouillard, y releva tout ce qui pouvait servir à la navigation.
Des vivres, ils n'avaient guère que ceux — synthétiques — provenant de la nacelle de la montgolfière.
L'eau douce manquerait aussi. Jo se disait persuadé qu'un jour ou deux de navigation seraient suffisants pour toucher une base européenne ou américaine.
Ce qui restait à prouver.
Ils avaient découvert que le petit navire était d'origine anglaise. Il se nommait le Red Heart. Le livre de bord, jauni, crevassé, dévoré par le froid, existait encore.
Jo se chargea de placer les bâtons de dynamite. Il avait dégotté les cordons adéquats dans la cale, certain qu'ils existaient puisqu'il avait déjà récupéré la caisse. Il leur fallut deux jours de travail pour tout préparer. Zywaa, silencieuse et vive, les aidait.
Jo scrutait fréquemment le ciel mais aucun avion ne se pointait plus. Il n'en désespérait pas pour autant.
Le matin du troisième jour (ils avaient pris quelque repos en utilisant les couchettes du bord, des couvertures dans un état innommable mais tout de même utilisables si on ne se montrait pas trop délicat) tout fut prêt.
Ils se retirèrent assez loin sur le champ de glace, et Jo fit exploser ses cartouches alentour du navire bloqué.
La glace était relativement de faible épaisseur, en raison sans doute de la proximité de la cascade brûlante. La banquise se fendilla et, presque immédiatement, ils purent constater que le Red Heart était libéré de l'étreinte froide. Qu'il flottait ! Ce qui était primordial !
Olivier avait redouté jusqu'au dernier moment que, même si la carène était demeurée intacte jusque-là, elle ne soit fendillée par l'explosion. Mais il paraissait n'en être rien. Il faut dire que pendant ces derniers moments occupés à mettre en état (tout ce qu'il y a de relatif) le voilier arraché aux glaces, il s'était évertué à élever mainte objection devant Jo, lui remontrant toutes les hypothèses possibles concernant les obstacles, les périls qui étaient susceptibles de se dresser devant les navigateurs d'occasion.
Et dont le moindre n'était pas de couler tout simplement à pic, au hasard des circonstances.
Mais Jo ne démordait pas, assurant qu'il préférait à tout le retour chez les Yaaw. Zywaa avait gardé, durant ces discussions, une neutralité parfaite et elle avait très simplement mis la main à la pâte, aidant les deux garçons dans la mesure de ses moyens.
On avait pieusement enveloppé les restes du timonier-spectre dans une couverture, avant de les jeter à la mer, après qu'Olivier eut murmuré une prière en sa faveur. Zywaa n'avait pas été surprise de ce rite. Les naturels d'Alwakii, comme d'une façon générale tous les humanoïdes de l'univers, des primitifs aux plus hautement évolués;possédaient une foi métaphysique, si les formes religieuses pouvaient varier à l'infini.
Ils avaient trouvé, dans la cale, des voiles à peu près intactes. Il leur avait fallu les substituer aux lambeaux glacés pendant des vergues, ce qui n'avait pas été un mince travail. Finalement, après tant d'efforts, le Red Heart flottait et semblait prêt, si on ne se montrait pas trop exigeant, à prendre la mer.
Le gouvernail fonctionnant à peu près. Jo le prit en main, lançant ses ordres à Olivier et à Zywaa qui jouait un rôle de mousse, sans pour cela que ses relations avec Jo se soient améliorées. Et tant bien que mal, à la brise de mer, le petit navire démarra.
Le courant chaud venant de la cascade favorisait son passage vers la brèche de la banquise. Il s'y engagea.
C'est à ce moment qu'Olivier, qui se battait avec une vergue qu'il tentait de faire tourner dans le sens indiqué par les vociférations du capitaine improvisé qu'était Jo, s'aperçut que Zywaa, au lieu de s'efforcer de l'aider et de peser avec lui sur le lourd élément, regardait avec une sorte d'exaltation dans la direction de l'île, qu'ils laissaient derrière eux.
Il suivit tout naturellement son regard. Il vit, venant de la forêt qui couronnait l'immense rocher, un volatile qui paraissait filer dans la même direction que le Red Heart, était susceptible de les rejoindre rapidement s'il ne modifiait pas son vol.
Il y avait longtemps qu'ils savaient ce que les Yaaw avaient découvert rapidement. Les Kmotts et les Fvaaz avaient détruit petit à petit la faune, tant alwakiienne que terrestre, par leur simple présence.
Si bien que la sylve était condamnée, ne pouvant subsister sans l'apport animal, au nom d'une intangible loi cosmique qui associe étroitement les deux règnes. Aussi Olivier, qui n'avait vu depuis son arrivée dans cette zone d'exception que à s oiseaux de mer — les autres ayant déserté depuis beau temps pour fuir les vampiriques mimétiques — s'étonna quelque peu.
Ce n'était assurément pas un goéland, une mouette, un pétrel ou un sterne, ni n'importe quel représentant de la gent empennée familière des océans.
Quelque oiseau ayant échappé à l'empire des phasmes fantastiques? Un des derniers à s'évader de ces lieux devenus inhospitaliers?
La réponse, Olivier la lut, avant d'avoir identifié la créature qui arrivait à tire d'aile. Sur le visage de Zywaa.
Jo, constatant qu'on n'exécutait pas ses instructions, se mit à hurler plus fort, tapant du pied avec colère au risque de faire éclater les planches d'un pont aux trois quarts pourri. Il barrait de son mieux mais, dans la passe où était engagé le voilier, entre deux parois de glace, sur cette sorte de fleuve encore assez chaud qui coupait la banquise, il avait peine à maintenir la bonne direction.
Olivier n'écoutait pas. Il voyait bien ce qui arrivait sur eux.
Et Zywaa, oubliant tout de la situation, dansait de joie sur place en criant des mots en langue Yaaw, où un vocable revenait sans cesse. Ce qui achevait l'édification d'Olivier, et éclaira tout autant Jo, intrigué de leur attitude et qui tournait la tête vers l'arrière à son tour : — Bûû... C'est Bûii !!!